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Page:Lorrain - Sensations et Souvenirs, 1895.djvu/238

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une vraie macaque aux allures d’infante et, comme une infante, sachant au besoin porter la robe espagnole et bouffant et jouer de l’éventail.

" Quant à l’enfant, une merveille de beauté, un vrai page de Memling, quatorze ou quinze ans au plus, un de ces boys comme l’Irlande seule en produit, aux yeux bleu flore, aux cheveux clairs nimbant le front d’un reflet de soie, le régal de chairs blondes et fraîches… mais vivant là solitaire et farouche, plus invisible encore que la coquette guenon, comme dérobé avec un soin jaloux, caché à tout regard, l’air d’un Ariel captif ou d’un jeune prince envoûté de légende.

" Tout a été depuis supposé, imaginé et dit sur le trio… Mais alors la guenon constellée de bijoux et minaudant, affublée de craquantes étoffes, indignait surtout l’opinion des campagnes ; les paysans ont des chèvres et un érudit du lieu cita à l’appui du Balzac, Une Passion dans le désert.

" La vérité dans tout ceci ?

" Une nuit, la chaumière de Dolmancé, ordinairement murée de silence, s’emplissait de vacarme et de cris c’étaient des jurons exaspérés, des voix de colère, des sanglots et des plaintes, puis un bruit de dispute et des appels déchirants, puis un grognement rauque, un râle… Tout le village, une angoisse à la gorge, avait passé cette nuit-là, debout, les fenêtres ouvertes, le cou tendu dans la direction de Dolmancé.