Page:Loti, Matelot (illustration de Myrbach), 1893.djvu/148

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tite ville, régulière et blanche, triste en somme, dont les rues larges et presque sans passants finissaient à de vieux remparts ombreux. On ne voyait même pas la mer, dans ce port tranquille environné de grandes plaines d’herbages, et on aurait pu s’y croire perdu dans les provinces intérieures, sans ces bandes de marins qui chantaient le soir. Ce dépaysement d’un genre nouveau, ce dépaysement sur terre et pour une durée relativement très longue, lui causait une oppressante mélancolie ; il n’avait pas prévu cet exil, à si petite distance de sa mère, — et jamais ses impressions de solitude n’avaient été pareilles.

Et puis il prenait plus complètement conscience de sa position infime de matelot, dont certaines réalités lui avaient été épargnées jusqu’à ce jour. Parmi les hommes embarqués avec lui sur cette « Réserve », pas un qui fût un compagnon possible. Tout au plus se rapprochait-il de deux ou trois très simples et très jeunes, nés dans les chaumières primitives, avec lesquels il s’entendait, à cer-