Page:Loti, Matelot (illustration de Myrbach), 1893.djvu/189

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Il voyait devant lui, bien réelle, la petite canonnière qui l’avait par avance tant fait songer. Dans une atmosphère accablante où le moindre mouvement faisait perler la sueur au front, elle se tenait immobile sur un fleuve, amarrée près de la berge, parmi des roseaux… Gyptis ! il lisait, en lettres jaunes bien nettes sur son arrière noir, ce nom qui l’avait poursuivi tout le temps du voyage, un peu comme un nom fatal et de mauvaise magie.

C’était là son poste de mouillage et, par conséquent, ce petit recoin du monde allait être, pendant dix-huit mois, la résidence habituelle de Jean. On les avait amenés là le soir, les nouveaux marins de la Gyptis, à cet instant court et enchanteur qui suit l’accablement du jour et qui précède la nuit. Le long de ce fleuve, dont les eaux n’éveillaient même pas l’idée de fraîcheur, il y avait un village perdu, ou plutôt une route sous des arbres ; une route bordée de quelques petits portiques, qui menaient à des habitations enfouies dans des verdures. À un tournant proche,