Page:Loti, Matelot (illustration de Myrbach), 1893.djvu/264

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des murs, elle descendit de son lit très vite, s’accrochant, à mains tremblantes, aux rideaux blancs ; — alors, les deux femmes se levèrent aussi, inquiètes de ce qu’elle allait faire. Sa figure, réapparue au grand jour, avait changé et vieilli de dix années, creusée en une seule nuit par toute la fatigue de son humble vie de travail perdu, de lutte inutile, d’attente vaine ; ses yeux reflétaient même quelque chose de mauvais et de haineux, qui était nouveau, que l’angoisse sans doute avait fait surgir des tréfonds ignorés de son âme, — et, de plus, avec sa robe traînée, ses cheveux défaits, et je ne sais quel affaissement un peu bestial survenu dans sa lèvre, elle avait pris un air peuple, elle aussi, un air de pauvresse vaincue, un air qui aurait fait mal à son Jean, plus que tout, s’il avait pu voir…

En finir, elle-même, c’était tout ce qui lui apparaissait de possible !… Ouvrir une fenêtre, se jeter par là, et aller finir, en bas, sur le granit des pavés ! Mais la mort même ne la contentait pas encore, ne lui suffisait pas, n’arrangeait rien à