Page:Loti, Matelot (illustration de Myrbach), 1893.djvu/79

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

De temps à autre, Jean s’en allait, une bougie à la main, faire dans la maison une sorte de ronde suprême, revoir encore une fois sa chambre. Il ne lui était même pas permis de se dire, en de beaux rêves d’enfant, qu’il rachèterait cela plus tard, puisque ces nouveaux venus, dédaigneux du modeste intérieur tant soigné par sa mère, allaient demain tout détruire…

Vers dix heures, un roulement, dans la rue, sur les pavés, bruit sinistre et sourd, d’abord dans le lointain… Jean avait été le premier à l’entendre…

Quand on fut bien sûr que c’était cela, qu’un omnibus s’était arrêté devant le seuil, il leur sembla qu’ils touchaient à une minute de mort, et instinctivement ils se prirent, la mère et le fils, dans les bras l’un de l’autre.

Ils descendirent ; d’en bas, du corridor, leur venaient les sanglots de Miette. Derrière eux les portes, avec leurs plaintes, avec leurs chers grincements familiers entendus pour la dernière fois, se refermaient, aussi définitivement que des couvercles de tombeaux…