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XXIII

DE PLUMKETT À LOTI

Liverpool, 1876.
Mon cher Loti,

Figaro était un homme de génie : il riait si souvent, qu’il n’avait jamais le temps de pleurer. — Sa devise est la meilleure de toutes, et je le sais si bien, que je m’efforce de la mettre en pratique et y arrive tant bien que mal.

Malheureusement, il m’est fort difficile de rester trop longtemps le même individu. Trop souvent, la gaîté de Figaro m’abandonne, et c’est alors Jérémie, prophète de malheur, ou David, auguste désespéré sur lequel la main céleste s’est appesantie, qui s’empare de moi et me possède. Je ne parle pas, je crie, je rugis ! Je n’écris pas, je ne pourrais que briser ma plume et renverser mon encrier. Je me promène à grands pas en montrant le poing à un être imaginaire, à un bouc émissaire idéal, auquel je rapporte toutes mes douleurs ; je