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Page:Loti - Aziyadé.djvu/173

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XXXVI

Aziyadé, qui était fidèle à la petite babouche de maroquin jaune des bonnes musulmanes, sans talon ni dessus de pied, en consommait bien trois paires par semaine ; il y en avait toujours de rechange, traînant dans tous les recoins de la maison, et elle écrivait son nom dans l’intérieur, sous prétexte que Achmet ou moi pourrions les lui prendre.

Celles qui avaient servi étaient condamnées à un supplice affreux : lancées dans le vide, la nuit, du haut de la terrasse, et précipitées dans la Corne d’or. Cela s’appelait le kourban des pâpoutchs, le sacrifice des babouches.

C’était un plaisir de monter, par les nuits bien claires et bien froides, dans le vieil escalier de bois qui craquait sous nos pas et nous menait sur les toits, et, là au beau clair de lune, mahitabda, après nous être assurés que tout sommeillait alentour, de consommer le kourban, et faire pirouetter dans l’air, une par une, les babouches condamnées.