Page:Loti - Aziyadé.djvu/188

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votre ami vous en dit plus que bien des phrases, car vous êtes habitué à penser avec lui. Vous comprenez tous les sentiments qui l’animent et il le sait. Vous êtes deux intelligences qui s’ajoutent et se complètent.

Il est certain que celui qui a connu tout ce dont je viens de parler, et à qui tout cela manque, est fort à plaindre.

Pas d’affections, personne qui pense à moi… À quoi bon avoir des idées pour n’avoir personne à qui les dire ? à quoi bon avoir du talent s’il n’y a pas en ce monde une personne à l’estime de laquelle je tiens plus qu’à tout le reste ? à quoi bon avoir de l’esprit avec des gens qui ne me comprendront pas ?

On laisse tout aller ; on a éprouvé des déceptions, on en éprouve tous les jours de nouvelles ; on a vu que rien en ce monde n’était durable, qu’on ne pouvait compter absolument sur rien : on nie tout. On a les nerfs détendus, on ne pense plus que faiblement, le moi s’amoindrit à tel point que, lorsqu’on est seul, on est quelquefois à se demander si l’on veille ou si l’on dort. L’imagination s’arrête ; donc, plus de châteaux en Espagne. Autant vaut