Page:Loti - Aziyadé.djvu/267

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

mée, goutte à goutte d’abord, ensuite en mince filet noir. Une lanterne éclairait misérablement cette chambre. Je m’approchai pour regarder : il y avait près d’elle une mare de sang. La porcelaine brisée avait entaillé cruellement sa chair, et l’os seulement avait arrêté cette coupure profonde.

Le sang de ma chérie coula une demi-heure, sans qu’on trouvât aucun moyen de l’étancher.

On en emportait des cuvettes toutes rougies ; on tenait sa main dans l’eau froide en comprimant les lèvres de cette plaie : rien n’arrêtait ce sang, et Aziyadé, blanche comme une jeune fille morte, s’était affaissée enfermant les yeux.

Achmet avait pris sa course pour aller réveiller une vieille femme à tête de sorcière qui l’arrêta enfin avec des plantes et de la cendre.

La vieille, après avoir recommandé de lui tenir toute la nuit le bras vertical, et réclamé trente piastres de salaire, fit quelques signes sur la blessure et disparut.

Il fallut ensuite congédier tous ces hommes et coucher l’enfant malade. Elle était pour l’instant aussi froide qu’une statue de marbre, et complètement évanouie.