Page:Loti - Aziyadé.djvu/303

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rerais comme un enfant ; elle me verrait pleurer et elle aurait confiance. J’ai été bien tranquille et bien froid en lui disant adieu.

Et je l’adore pourtant. En dehors de toute ivresse, je l’aime, de l’affection la plus tendre et la plus pure ; j’aime son âme et son cœur qui sont à moi ; je l’aimerai encore au-delà de la jeunesse, au-delà du charme des sens, dans l’avenir mystérieux qui nous apportera la vieillesse et la mort.

Ce calme de la mer, ce ciel pâle de mars me serrent le cœur. Je souffre bien, mon Dieu ; c’est une angoisse comme si je l’avais vue mourir. J’embrasse ce qui me vient d’elle ; je voudrais pleurer, et je ne le puis même pas.

Elle est à cette heure dans son harem, ma bien-aimée, dans quelque appartement de cette demeure si sombre et si grillée, étendue, sans paroles et sans larmes, anéantie, à l’approche de la nuit.

Achmet est resté, nous suivant des yeux, assis sur le quai de Foundoucli ; je l’ai perdu de vue en même temps que ce coin familier de Constantinople, où, chaque soir, Samuel ou lui venaient m’attendre.

Lui aussi pense que je ne reviendrai plus.