Page:Loti - Jérusalem, 1895.djvu/34

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C’est ici le « champ qui regarde Manbré » ; la silhouette, à peu près immuable, des collines d’en face devait être telle, le jour où Abraham acheta à Éphron, fils de Séor, ce lieu de sépulture. La scène de ce marché (Genèse, XXIII, 16) et l’ensevelissement du patriarche (Genèse, XXV, 9), on peut presque reconstituer tout cela d’après ce qui se passe de nos jours entre les pasteurs simples et graves des campagnes d’ici ; Abraham devait ressembler beaucoup aux chefs de la vallée de Beït-Djibrin ou des plaines de Gaza. En ce moment, tout l’antérieur effroyable des durées s’évanouit comme une vapeur ; nous sentons, derrière nous, remonter de l’abîme, les temps bibliques, à la lueur du jour finissant…

« Ensevelissez-moi avec mes pères dans la caverne double qui est au champ d’Éphron, Héthéen — prie Jacob, mourant sur la terre d’Égypte — c’est là qu’Abraham a été enseveli avec Sara, sa femme. C’est là aussi où Isaac a été enseveli avec Rébecca, sa femme, et où Lia est aussi ensevelie. » (Genèse, XLIX, 29, 31.)

Et ceci est unique, sans doute, dans les annales des morts : cette sépulture, primitivement si simple, qui les a réunis tous, n’a cessé, à aucune époque de l’histoire, d’être vénérée, — quand les plus somptueux tombeaux de l’Égypte et de la Grèce sont