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Page:Loti - Japoneries d’automne, 1926.djvu/105

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un bouquet étrange, éclairant toute une foule japonaise qui était tassée aux abords de ce Rokou-Meïkan, qu’on ne soupçonnait pas dans l’obscurité, et qui jette, par admiration, une bizarre clameur.

À l’orchestre, reprise échevelée : « On les rattrape, on les rattrape, on les rattrapera ! » Dans ce méli-mélo universel et inouï, mes notions sur les choses se voilent d’un brouillard léger. Je presse amicalement contre mon bras celui de mademoiselle Miogonitchi (ou Karakamoko) ; il me vient en tête une foule de choses, comiques mais innocentes, à lui dire dans toutes sortes de langues à la fois ; le monde entier, en cet instant, m’apparaît rapetissé, condensé, unifié, et absolument tourné au drolatique.

Cependant les groupes commencent à s’éclaircir, les salons à se vider. Plusieurs dames ont fait des sorties à l’américaine. Plusieurs danseuses encapuchonnées, plusieurs cavaliers à collet relevé se sont abandonnés isolément aux soins des diablotins noirs qui les guettaient à la porte et qui les ont emportés à toutes jambes, dans leur brouette, à travers la nuit noire.

Moi-même, je vais me livrer à l’un de ces djin coureurs, afin de ne pas manquer ce train spécial de retour à Yokohama qui, d’après ma carte d’invitation, doit partir à une heure du matin de la gare de Shibachi.