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Page:Loti - Japoneries d’automne, 1926.djvu/258

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pénombre crépusculaire, me paraît plus élevée et plus svelte, elle semble avoir participé à ce même mouvement d’élancement qui a fait monter si droit vers le ciel les colonnes des cèdres voisins ; ces choses sont tout en hauteur, et s’en vont chercher avec leur cime le peu qui reste en l’air de lumière triste presque éteinte. La tour est d’un rouge sombre, les cèdres sont d’un vert noirâtre, et à leurs pieds, par contraste avec ces nuances si foncées, la terre nue prend un ton gris presque blanc. L’ensemble est horriblement lugubre, — lugubre au delà de ce que les mots peuvent dire… Et voici maintenant que la population entière des corbeaux est réveillée par ma présence ; ceux qui dormaient déjà, en rangs serrés, sur les hautes branches sont descendus pour prendre part aux débats et aux cris ; c’est tout à coup un crescendo de voix perçantes qui m’assourdit, me glace, autant que ce brouillard de décembre de plus en plus épaissi autour de moi ; m’épouvante presque. Crôa ! crôa ! crôa ! Ils tourbillonnent en nuée, obscurcissant tout quand ils passent au-dessus de moi, comme un immense écran de plumes balayant l’air, — puis finalement tombent, d’un seul et même abattement d’ailes, sur le sol gris qu’ils recouvrent d’un grouillement tout noir.

Dans les lointains de ce bois, emplis à présent de brume obscure, on distingue toujours, en séries confuses et indéfiniment prolongées, les