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Page:Loti - Japoneries d’automne, 1926.djvu/36

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qui sont venues là prier ; tout l’ensemble rejette l’esprit très loin dans les époques passées.

Des groupes d’hommes et de femmes défilent pieds nus devant les idoles, l’air inattentif et léger ; ils disent des prières cependant, en claquant des mains pour appeler l’attention des Esprits ; et puis s’en vont s’asseoir sous les tentes des vendeurs de thé, pour fumer et pour rire.

Le second temple est semblable au premier : même entassement de choses précieuses, même vétusté, même pénombre ; seulement il a cette particularité plus étrange d’être bâti en porte à faux, suspendu au-dessus d’un précipice ; ce sont des pilotis prodigieux qui depuis des siècles le soutiennent en l’air. En y entrant, on ne s’en doute pas, mais quand on arrive au bout, à la véranda du fond, on se penche avec surprise, pour plonger les yeux dans le gouffre de verdure que l’on surplombe : des bois de bambous, d’une délicieuse fraîcheur et vus par en dessus en raccourcis fuyants. On est là comme au balcon de quelque gigantesque demeure aérienne.

D’en bas montent des bruits très gais d’eau jaillissante et d’éclats de rire. C’est qu’il y a là cinq sources miraculeuses, ayant le don de rendre mères les jeunes mariées, et un groupe de femmes s’est installé à l’ombre pour en boire.

C’est joli et singulier, un bois uniquement composé de ces bambous du Japon. Ainsi vu par en