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Page:Loti - Japoneries d’automne, 1926.djvu/61

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caducs de centenaires ; les charpentes saugrenues se gondolent, se fendillent et s’émiettent ; tout cela semble abandonné, on n’aperçoit personne nulle part.

On devine cependant l’approche de quelque grand temple, où doivent se célébrer en ce moment même de solennelles cérémonies, car, suivant l’usage consacré pour les fêtes religieuses, on a disposé des deux côtés de ces rues des séries de potences d’où pendent des lanternes. Elles se dressent de deux en deux pas, en files interminables ; les lanternes sont d’énormes ballons gris, sur lesquels on a peint en noir des chauves-souris vues de dos, volant à tire-d’aile. Une si étrange décoration de fête n’égayé en rien ces quartiers ; au contraire, toutes ces choses grises, ces alignements de lanternes qui n’en finissent plus, avec leurs bêtes nocturnes en guise de fleurs… on croirait voir les préparatifs de quelque vaste kermesse macabre, dont les invités ne viendront que la nuit.

Nous arrivons sans doute, car devant nous apparaissent, en masses sombres, les hautes ramures séculaires d’un de ces bois qui sont toujours consacrés aux dieux. Puis voici les portiques qui commencent : ils sont en granit fruste, et de ce style religieux très ancien qui se retrouve surtout dans les pagodes des villages, dans les lieux d’adoration perdus au milieu des forêts. La