Page:Loti - L’Horreur allemande, 1918.djvu/102

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les pauvres petits sacs qui les avaient un instant préservés.

Cinquante mille Italiens sont tombés pour la possession de ces premières assises, où je circule aujourd’hui si aisément par les plus soignées et les plus étonnantes des routes. Si on y additionne un nombre égal d’Autrichiens, on voit quelle couche de poussière humaine est venue s’abattre sur ces pierres, et s’y mêler pour l’éternité…

Hélas ! quels immenses cimetières de soldats nous rencontrons ! Voici le plus grand que j’aie peut-être jamais vu ; il est abrité un peu des obus par un long repli de terrain, dans lequel sont creusées, tournant le dos à l’ennemi, les cavernes des soldats vivants, — et ainsi, dès qu’ils sortent de leurs trous, ces épargnés, ils ont sous les yeux les innombrables tombes de leurs camarades héroïquement morts. Sur plusieurs rangs, en files sans fin, s’alignent les petites croix blanches, ou bien les petits tableaux noirs des fosses communes, donnant les noms de ceux qui y sont couchés ensemble. Il y a même encore, dans une autre région de ce vaste enfer, la tranchée des squelettes, une tranchée