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d’en bas ; on y contemple le déploiement d’un panorama très profond et magnifiquement sinistre, qui rappelle déjà les colossales tourmentes de pierre du Monténégro voisin. Dans le ciel de l’Ouest, montent d’autres vagues plus hautes, une monstrueuse houle immobilisée : c’est la fin des Alpes Carniques, et le commencement des Alpes Juliennes. Et le soir vient peu à peu jeter sa majesté sur ces choses infinies.

Bien qu’on sache que toutes ces montagnes, à peu près désertes pendant des siècles, sont remplies à présent de soldats aux aguets et de canons prêts à faire feu, on n’aperçoit rien d’humain nulle part. Nous sommes du reste tombés sur un jour de calme, sans le vouloir, et on n’entend que de temps à autre le bruit caverneux de l’artillerie, soit sur des cimes alentour, soit dans l’abîme des vallées d’en dessous ; ce sont nos amis italiens qui règlent des tirs, en prévision d’événements attendus, ou bien des Autrichiens un peu nerveux, flairant que quelque chose de formidable se prépare, et frappant au hasard.

De là-haut, quand on se rend compte des