Page:Loti - L’Horreur allemande, 1918.djvu/120

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drapée de très légères soies noires, qui l’enveloppent comme pour la dissimuler, mais sous lesquelles elle marche avec une grâce souveraine, et elle me tend une toute petite main de princesse, gantée de peau de Suède blanche. Il semble qu’elle se soit rigoureusement soumise à ce précepte : « Habillez-vous de telle manière que, après votre sortie d’un salon, personne ne se souvienne plus de votre toilette. » Ce qui frappe dès l’abord en elle, c’est quelque chose de hautement respectable en même temps que de suprêmement élégant dans la simplicité absolue. Ses cheveux, déjà très gris, sont discrètement attachés sous un petit chapeau noir que personne ne remarquerait. Tout l’ensemble de sa personne semble dire : « Vous savez, il ne faut pas faire attention à moi, je suis déjà une vieille femme. » Mais cela est démenti malgré elle par ses admirables yeux qui rayonnent, qui ont l’air d’éclairer. Il y a des êtres qui naissent vieux, d’autres qui, malgré la neige des ans, restent éternellement jeunes. On se représente que, sur la scène, si elle voulait « s’arranger », elle « donnerait » facilement vingt-cinq ans, — pour parler en langage de théâtre.