Page:Loti - L’Horreur allemande, 1918.djvu/124

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ter par des lacets, aux flancs de montagnes verticales. Ou bien on surplombe des vallées qui sont des gouffres inquiétants à sonder, et que tout à coup on franchit, comme emporté en rêve, sur des ponts hardiment jetés au-dessus de torrents. Jamais un heurt, jamais une secousse ; cela n’a pas l’air d’un voyage réel, on croirait plutôt que l’on vole. Nos pauvres routes de France, hélas ! ne sont plus ainsi, surtout aux approches du front où les obus et les camions trop lourds les ont tant labourées. Parfois de hautes cimes presque verticales, où des nuages sont accrochés, vous enténèbrent de leur ombre, mais aussitôt on rejaillit au beau soleil d’été, dans l’échancrure de quelque vallée où dégringolent des cascades étincelantes de lumière. On glisse, on vole, et cependant on aurait presque envie d’aller plus vite encore, pour s’évader de l’oppression de toutes ces montagnes qui se succèdent sans fin, qui vous tiennent comme emprisonné, et que l’on croit sentir peser de trop haut sur sa tête.

Vite toujours, nous traversons des villages, enguirlandés de vignes et pleins de fleurs, qui sont comme collés, en équilibre passager,