Page:Loti - L’Horreur allemande, 1918.djvu/132

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

bâtons ferrés, perdant pied quelquefois pour les plus terribles chutes d’ensemble ; arrivés enfin au but, agrippés là on ne sait comment, ils ont scellé dans le roc vif les énormes anneaux dans lesquels les câbles courent si aisément aujourd’hui, pour un continuel va-et-vient. Tout s’achemine maintenant par ces voies-là, des vivres, des projectiles, de l’eau, même des hommes et des canons ; en quelques minutes arrivent ainsi sur les crêtes les plus escarpées des petits chargements qui jadis auraient mis des jours à faire la vertigineuse escalade, et la vie sur les cimes en a été tout à fait changée. On se figure ce qu’elle devait être, au début de la guerre, la vie de ces soldats ermites qui, dans les cavernes des extrêmes hauteurs, ont dû rester parfois, en hiver, jusqu’à trois mois sans communications avec le reste du monde, dans une atmosphère glacée, se nourrissant de conserves et buvant de la neige fondue !

À mesure que nous montons, par les courts lacets, l’air se fait de plus en plus léger, frais et vivifiant ; on se grise à le respirer. Les autres Dolomites, les gigantesques voisines, continuent de pousser, pourrait-on dire, de