Page:Loti - L’Horreur allemande, 1918.djvu/134

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de l’étonnante route, et c’est dans un grand repli de la montagne aux flancs gris, dans un retrait absolument abrité des longues-vues autrichiennes. Il y a là presque une ville militaire, improvisée, que je n’attendais pas, des baraquements très vastes en bois de sapin, des ateliers, une ambulance, et, au milieu de ces bâtisses neuves, des soldats coiffés du petit feutre à plume d’aigle s’empressent à mille travaux de terrassement et d’installation, comme pour faire face à une guerre appelée à durer longtemps encore. On va aussi prolonger la route, mais la partie commencée, où les terrassiers travaillent, est très en vue, et il faut la camoufler à mesure… C’est étrange de trouver tout ce monde et toute cette bruyante activité dans un recoin de montagne où naguère les aigles étaient seuls à habiter, au milieu d’un calme éternel ! Nous sommes à environ deux mille mètres de haut, dans un décor extravagant et formidable. Devant nous, séparés par des gouffres où courent des nuages, se dressent deux autres amas de Dolomites qui encombrent le ciel ; ils montent verticalement depuis les abîmes d’en dessous et sont