Page:Loti - L’Horreur allemande, 1918.djvu/160

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

remplis de joailleries ; il n’y reste guère que ces traditionnels pigeons de Saint-Marc, qui de temps à autre prennent leur vol comme un tourbillon, ou le plus souvent se promènent en cortège par terre et pour qui les passants se dérangent ; les bombardements ne les ont pas incommodés, eux. — N’ai-je pas entendu aussi, dans les forêts du Nord de la France, les oiseaux, aujourd’hui habitués, chanter dans le fracas des obus !

Intérieurement, la basilique est presque dans l’obscurité, car la plupart des vitraux ont été mis en lieu plus sir, et remplacés par des panneaux de bois. Dès l’entrée, on distingue qu’elle est pleine de gens agenouillés et de cierges qui brûlent, mais on y voit mal, tout juste assez pour se conduire sur ce pavage de marbres rares, qui est de plus en plus dénivelé par l’inquiétant travail séculaire de l’eau des lagunes, sans cesse sournoisement remuante en dessous. Jadis, quand on pénétrait ici, dans une transparente pénombre, les yeux percevaient d’abord de tous côtés des éclats de choses précieuses, tout scintillait, même les murs d’albâtre ou d’agate, on était ébloui par les gemmes, les mosaïques