Page:Loti - L’Horreur allemande, 1918.djvu/188

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plus terribles frénésies meurtrières de notre pauvre humanité. Or c’est simplement, tout chaud et fumant encore, notre glorieux champ de bataille d’hier matin et d’hier au soir… Vraiment on se croirait au lendemain de quelque effroyable cataclysme qui commencerait à peine de s’apaiser et de s’éteindre, laissant après lui des milliers de cratères béants. Et, comme si on était ramené aux périodes primitives de la géologie, on voit là-haut, — au-dessus de ce désarroi des choses terrestres, là-haut dans ce ciel de grande tempête, — des bêtes monstrueuses planer ou follement se poursuivre ; les unes, qui se tiennent en l’air dans une presque immobilité de larves, ressemblent à d’énormes cachalots qui auraient des oreilles d’éléphant[1] ; les autres appartiennent au genre oiseau, mais ce sont des oiseaux gigantesques, dont le vol éperdu fait un bruit de bourrasque. Si des hommes d’il y a seulement une cinquantaine d’années voyaient cela, ils se croiraient dans une autre

  1. Ces ballons d’observation que nos soldats appellent des « saucisses » et qui flottent échelonnés en l’air d’un bout à l’autre de la ligne de feu.