Page:Loti - L’Horreur allemande, 1918.djvu/278

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
266
L’HORREUR ALLEMANDE

tre, la désolation battait son plein partout alentour. À la vaste région anciennement saccagée, sur laquelle trois ou quatre printemps ont déjà passé et où il ne reste plus rien que de méconnaissables ruines dans un silence de mort, une zone nouvelle venait de s’ajouter, empiétant un peu plus sur notre France ; la zone sur quoi s’est abattue la plus récente des ruées barbares, la grande ruée d’hier, avec des moyens de destruction toujours plus perfectionnés ; la zone qui saigne encore, où tout est pantelant, ou les incendies n’ont pas fini d’exhaler leurs fumées noires, ni les cadavres de répandre leur odeur. On sait que, sur les grèves, le flot qui s’est retiré laisse une ligne de détritus ; de même ici le flot germanique, avant son endiguement, a laissé, comme pour marquer la limite de son avance, des séries de petits tertres — qui de loin ne sont pas effroyables, mais de près révèlent des détails devant quoi les cheveux se dressent ; on en voit sortir çà et là des mains crispées, ou bien des figures qui sont blêmes, qui ont des barbes jaunes et qui ouvrent tout grand des mâchoires où s’assemblent les mouches.