Page:Loti - L’Horreur allemande, 1918.djvu/59

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noire et la neige, ce chemin de Dunkerque à la villa du roi, qui m’eût dit que, plus de deux ans après, je le referais encore en pleine guerre !…

Aujourd’hui, tout respire la joie, malgré la mitraille et l’horreur qui sont là si proches. Il fait beau, radieusement beau, invraisemblablement beau, et il n’est guère d’angoisse qui résiste à la gaieté rayonnante du soleil de juin. Et puis, c’est dimanche, et ce jour qui, dans les villes, est si fastidieux, prend dans les villages un petit attrait quand même, au milieu des bonnes gens dans tous leurs atours. À travers des paysages de dunes, à travers d’immenses plaines sablonneuses, la route s’en va, bordée de petits arbres aux verdures neuves et claires ; des jeunes filles naïvement endimanchées, un brin de giroflée au corsage, s’y promènent en compagnie de soldats très mélangés, des Français, des Belges, des Anglais, des Hindous ; on entend toujours au loin la canonnade barbare, mais elle arrive à peine à évoquer l’idée de la mort, en cette journée rare où l’on ne pense qu’à la vie ; on sent que tout cet humble monde, rencontré en chemin, a