Page:Loti - L’Horreur allemande, 1918.djvu/61

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me suis acquitté de la mission dont j’étais chargé par mon général, Sa Majesté me dit, pour charmante formule de congé :

— Vous aviez aussi demandé à voir la Reine. Venez, je vais vous conduire auprès d’elle.

Nous sortons alors dans l’enclos, moitié jardin très pauvre en fleurs, moitié petit parc où les pas s’étouffent dans le sable des plages et que surchauffe aujourd’hui l’étonnant soleil. La Reine, tout de suite je l’aperçois là-bas, entourée, submergée dirai-je presque, par une centaine de très jeunes enfants. Il y a seulement quatre grandes personnes, au milieu de cette foule de tout petits : elle, la Reine, qui est la svelte silhouette bleue, toujours ne ressemblant à aucune autre ; sa dame d’honneur vêtue de jaune-pensée, et deux bonnes sœurs aux aspects archaïques. Sa Majesté daigne faire quelques pas à ma rencontre, comme vers quelqu’un de déjà connu, et rien ne pouvait me toucher davantage. J’avais presque une appréhension de cette entrevue, comme chaque fois qu’il s’agit de retrouver des êtres, ou des lieux ou des choses dont on a été particulièrement