Page:Loti - L’Horreur allemande, 1918.djvu/65

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sences marines, et là, quand je suis assis en face de Sa Majesté, l’honneur m’est accordé d’une longue causerie tranquille, dans le grand silence des entours, à l’ombre du toit frêle, avec le sentiment du chaud soleil de juin qui resplendit dehors. Comme par un accord tacite, nous ne disons rien des angoisses de l’heure, pas plus que si les Barbares n’étaient pas là tout près, saccageant nos patries. Aujourd’hui, non, il fait trop beau, trêve à la souffrance pour une fois, évadons-nous un peu de l’horreur, parlons de choses passées, ou de choses lointaines…

À un moment donné, la Reine avait ramené la conversation sur Bénarès et les religions hindoues, quand tout à coup, devant la porte ouverte, un chat passe comme une flèche, un gros chat noir qui détale ventre à terre et semble au comble de la terreur. Ah ! il y avait de quoi, le malheureux : la maréchaussée est à ses trousses ! Un gendarme, qui lui court après, passe aussitôt derrière lui, à toutes jambes, en se frappant dans les mains pour faire le plus de bruit possible… Alors la Reine ne peut s’empêcher de rire, — c’était si imprévu ce