Page:Loti - L’Inde (sans les Anglais).djvu/22

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Maintenant voici le déclin magnifique du jour. Encore un instant, et nous perdrons de vue notre soleil — d’entre les innombrables soleils, celui qui nous tient et nous attire dans le vertige de son éternelle chute. Le versant de Terre où nous sommes va se tourner vers le grand noir, vers l’infini des ténèbres dont nous concevrons un peu mieux l’épouvante tout à l’heure, à travers les transparences de l’air nocturne. Mais d’abord subissons la magie des soirs, regardons flamber les cuivres roses du couchant. À l’est, au-dessus de la mer, très haut sur l’horizon, une chaîne de montagnes désertes et désolées, tout en granit sanglant, se met à éclairer rouge comme une braise : c’est le Sinaï, le Serbal et l’Horeb. Alors, de nouveau la grandeur des traditions mosaïques s’impose à notre esprit, que tant d’hérédités successives ont préparé pour un religieux respect.

Mais les cimes ardentes, naturellement, ne tardent pas à s’éteindre. Derrière les eaux, le soleil est tombé, et la courte féerie du soir est finie. Le Sinaï, le Serbal et l’Horeb, dans les gris du crépuscule, s’effacent et se perdent. On ne les voit même plus, — et qu’étaient-ils, en somme, que des arêtes de pierres quelconques, à la surface terrestre, agrandies seulement dans nos rêves par la suprême poésie de l’Exode ?…