Page:Loti - L’Inde (sans les Anglais).djvu/29

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dagabas géantes, construites deux siècles avant l’ère du Christ ; la forêt n’a pu les détruire, mais les a enveloppées de son vert linceul, ramenant peu à peu, sur elles, sa terre, ses racines, ses broussailles, ses lianes et ses singes. Superbement encore elles marquent la place où les hommes adoraient, aux premiers âges de la foi bouddhique, — et la ville sainte est bien ici, qui sommeille partout au-dessous de moi, cachée sous la voûte des ramures.

Et la colline d’où je regarde était elle-même une dagaha sacrée, que des milliers de croyants avaient travaillé à bâtir, à la gloire de leur prophète, frère et précurseur de Jésus. La base en est gardée par des séries d’éléphants taillés dans le granit, par des dieux dont la forme se perd sous l’usure des siècles, — et chaque jour ici, jadis, c’était le fracas des musiques religieuses, le délire des adorations et des prières.

« Innombrables sont les temples et les palais d’Anuradhapura ; leurs coupoles et leurs pavillons d’or resplendissent au soleil. Dans les rues, c’est une multitude de soldats, armés d’arcs et de flèches. Des éléphants, des chevaux, des chariots, des milliers d’hommes vont et viennent continuellement. Il y a des jongleurs, des danseurs, des musiciens de divers pays, dont les timbales et les instruments ont des ornements d’or. »

À présent, c’est le silence ; c’est l’ombre, c’est la nuit verte. Les hommes ont passé et la forêt s’est refermée.