Page:Loti - L’Inde (sans les Anglais).djvu/41

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Il y a place à peine pour quatre ou cinq personnes dans le temple étroit, resserré comme une armoire, et encombré par tant de statues. Des déesses de douze pieds de haut, taillées à même le roc, garnissent toutes les parois de leurs grands corps rapprochés ; elles ont le visage jaune, couleur robe de bonze, et leur coiffure touche la voûte. Un bouddha de taille surhumaine est assis au milieu, dans sa pose de perpétuel songeur, et des dieux moindres, aux dimensions de poupée, se pressent à ses genoux, sous le regard fixe de ces déesses géantes qui font cercle, qui ont l’air de s’être formées en ronde alentour. Malgré l’éclat de leurs ornements d’or, malgré les couleurs encore fraîches, les rouges et les bleus de leurs robes de pierre, tous ces personnages aux longs yeux donnent bien la notion de leur antiquité effroyable.

Ma visite imprévue a fait pénétrer dans leur grotte un peu de jour, et leur a permis d’apercevoir, au delà du vestibule ouvert, les lointains de cette jungle où vivait aux siècles passés le peuple de leurs adorateurs. Je les regarde un instant, presque gêné de me trouver brusquement en face et si près d’eux, et je laisse le prêtre refermer bientôt la sainte armoire, pour que ces habitants du rocher se replongent dans leurs ténèbres parfumées et leur silence.

Je m’en vais à présent, moi l’étranger à qui ces symboles et cette paix bouddhiques demeurent encore