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Page:Loti - La Galilée, 1896.djvu/114

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très loin encore ! » Vraiment, nous nous sommes mis en route trop tard. Les sentes, les battues deviennent difficiles à suivre, presque invisibles, et en les quittant nous risquons de tomber dans les flaques d’eau, dans les ruisseaux dont la région est partout entrecoupée. C’est presque la nuit déjà, les premières étoiles s’allument. Notre guide, très troublé, ne se retrouve plus. Tantôt nous sommes dans les fenouils qui se reconnaissent à leur senteur, tantôt au milieu de champs d’orge, devinés surtout au frôlement des épis. Sur notre droite, le cours présumé du Jourdain s’indique encore, dans l’ombreux fouillis des joncs et des papyrus, par une sorte de nuée blanche qu’il exhale et qui plane au-dessus comme des flocons de ouate. Nous avions espéré que les feux de nos gens nous révéleraient de loin nos tentes, mais d’autres feux s’allument partout, des centaines de feux sur lesquels nous n’avions pas compté ; ils brillent dans tous les lointains de ce pays vert, peuplé si mystérieusement ; ils nous donneraient l’illusion des lumières d’une grande ville, si nous ne savions que ce sont de simples flambées de branches devant d’inhospitalières tentes noires. Le pullulement de la vie bédouine nous entoure de plus en plus dans l’obscurité. Au