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Page:Loti - La Galilée, 1896.djvu/120

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les aigrettes légères. La vie humaine se dissimule et se tait, tandis que des cavales libres, galopant avec leurs petits, s’amusent à tourner autour de nos chevaux entravés, qui hennissent et se cabrent. C’est la plénitude et l’ivresse des matins sauvages, sur une terre aux fécondités inépuisables ; quelque chose comme devaient être, aux printemps préhistoriques, les levers du soleil sur les marais quaternaires. Nous cheminons deux ou trois heures dans des terres grasses, au pied des montagnes occidentales de la vallée du Jourdain, le long des plaines de vase, le long des étangs voilés de hautes herbes où le fleuve se perd. Et deux fois nous sommes en détresse, nos chevaux enfonçant dans la boue jusqu’au poitrail. Quelques arbres, presque les premiers depuis nôtre départ de Jérusalem, commencent à paraître sur notre route. Il y a çà et là, tout au bord des eaux, des groupes d’habitations de pêcheurs nomades, qui sont construites en claies de joncs et qui semblent tout à fait de petits villages lacustres. Il y a aussi des campements noirs, au milieu desquels des lances fichées en terre indiquent la tente du cheikh. Et les troupeaux de buffles, rares au commencement de l’étape, deviennent fréquents, puis innombrables. En avant de nous, là-bas, toujours resplendit le «