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Page:Loti - La Galilée, 1896.djvu/132

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autant de place qu’une ville. Des chênes et des térébinthes croissent au sommet de ses donjons noirs, qui n’ont plus à surveiller que des déserts. D’un point culminant, une dernière fois nous apercevons les marais du Haut Jourdain, le pays humide des nénuphars et des papyrus ; c’est infiniment loin sous nos pieds, c’est comme un indécis océan regardé du sommet de quelque falaise gigantesque. Nous sommes très haut ; l’air s’est refroidi et desséché. Brusquement, plus d’arbres, plus de verdure, plus de fleurs, nous entrons de nouveau dans une région de pierres, dans une triste région chauve — et, à un tournant, tout à coup, le « Grand Cheikh de Neige », l’ « Hermon au burnous blanc », se dresse inattendu et saisissant au-dessus de nos têtes, découpé en traits durs sur le ciel. Il est là tout près, lui qui avait semblé depuis trois jours nous fuir. L’air s’est glacé dès qu’il a paru ; on l’entend bruire de partout comme la mer ; son manteau d’étincelantes blancheurs fond sous le soleil, se dissout en d’innombrables cascades — qui s’en iront là-bas, dans les marécages, faire courir le Jourdain plus vite, après avoir joué de grandes symphonies, en chemin, autour de Césarée et de tant de ruines antiques.