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Page:Loti - La Galilée, 1896.djvu/137

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Nos muletiers tout de suite nous expliquent ce retard : une des mules a roulé avec sa charge dans un torrent et s’est cassé les pattes. Heureusement a-t-on pu la remplacer ; on en a loué une autre, à une caravane de Damas qui passait par aventure ; — mais le marché a été long, la discussion difficile. Je demande alors ce qu’est devenue la pauvre blessée, et on est fort étonné que je m’eninquiète : « Eh bien, mais… puisqu’elle ne pouvait plus servir, on l’a quittée là, voilà tout. » Sans avoir même la pitié de l’achever, ils l’ont laissée comme chose perdue ; et elle, comprenant peut être, aura vu s’éloigner ses compagnes de misère, avec la conscience de l’abandon suprême… En hâte, en fièvre comme toujours, nos hommes jettent à bas les charges de leurs bêtes pour monter nos tentes ; c’est dans le lieu habituel des campements à Kefr-Haouar, sur une sorte de pelouse. Mais une de ces bandes Cook, qui sillonnent à présent la Palestine, y est passée ces jours-ci, en marche idiote vers Damas, et l’herbe en garde les traces : boîtes de conserves, épluchures, inqualifiables lambeaux du Times… Avec effroi nous faisons recharger et reporter notre bagage plus haut, dans le cimetière : en Orient, on n’est pas profanateur pour camper parmi les tombes. 
 IX
Mercredi,