Aller au contenu

Page:Loti - La Galilée, 1896.djvu/165

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

isolement au milieu de l’air… Trois heures ! Les voix suraiguës partent toutes ensemble en fugue déchirante, jetant le frisson religieux sur la terre, effarouchant les hiboux du minaret, qui prennent leur vol, et les pigeons coutumiers des toits, qui se lèvent comme un petit nuage blanc sous nos pieds. Un point de vue célèbre en Orient est celui qu’on a de la funèbre montagne dressée tout à côté de Damas. J’ai dit qu’aussitôt après ces grands vergers dont la ville est entourée comme d’une ceinture délicieuse, presque sans transition, le désert commence, vide et désolé. Et cette montagne, si rapprochée pourtant, participe déjà de cette désolation infinie : aride, sèche, rougeâtre, creusée à toutes les époques pour des sépultures, elle n’est peuplée que de chacals et de morts. On y monte parmi des pierres et des tombeaux ; mais, dès qu’on s’y élève, les bois et les vergers si magnifiquement verts commencent à se déployer en bas, l’oasis paraît grandir au milieu des horizons mornes ; et, dans l’épaisseur des arbres, à demi noyée dans la mer de verdure, se révèle, avec ses minarets et ses myriades de coupoles, toute cette ville de terre rosée, qui mesure près de six kilomètres