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Page:Loti - La Galilée, 1896.djvu/184

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vers l’Occident et vers le Nord, les paroles se perdent et on ne dirait plus des sons humains, mais plutôt quelque fugue de hautbois. Je l’entends, et cependant je ne cesse pas de dormir ; son chant, sans que je puisse expliquer cette image, me fait l’effet d’un grand oiseau de rêve qui prendrait son vol dans l’aube encore grise, pour monter, descendre, planer avec des ailes légères et constamment tremblantes, remonter et puis redescendre enfin dans un frémissement d’agonie… Chaque matin, à pointe d’aube, j’entends ses hautes vocalises, qui se traînent, pour finir comme de suprêmes plaintes, et j’en reçois une presque angoissante impression d’Islam — dans ce sommeil, qui redevient profond dès qu’il a fini de chanter. Mais ce matin, c’est le jour du départ et je ne me rendormirai pas. Bientôt, en bas, dans la rue à peine éclairée, tintent gaîment les grelots des mules matinales qui passent. Puis, les oiseaux, les martinets, après un léger prélude, entonnent tous ensemble une aubade folle. Et enfin commencent les voix des hommes, les cris des marchands, le tapage des métiers et des marteaux, tous les bruits de la vie orientale. A six heures, nous sommes à cheval, reprenant, pour quatre jours qui seront les derniers, notre vie errante, nos burnous de laine.