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Page:Loti - La Galilée, 1896.djvu/38

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Deux heures et demie durant, ces sentiers s’allongent à travers des vallées pastorales, paisibles, charmantes, où des ruisseaux courent dans une herbe fine semée d’anémones, parmi des oliviers centenaires. Dans l’arrangement même du paysage, dirait-on, réside on ne sait quel archaïsme difficile à définir. Pas de villages, pas de passants, rien que des bergers arabes avec leurs troupeaux. Quelques champs de blé, tout fleuris de coquelicots et de bleuets ; de loin en loin, quelque informe petite ruine, remontant peut-être à la nuit des premiers temps chananéens. Près d’une source, où nous laissons boire nos chevaux, un groupe d’hommes est occupé à abattre un vieil olivier gris, avec des haches d’une forme d’autrefois. Leurs attitudes et leurs grands gestes d’effort sont d’une antique noblesse ; leurs bras de bronze sortent nus de ces burnous naplousiens, dont le léger chamarrage rouge est pour rappeler la nuance vive de toutes les fleurs voisines. On croirait une scène des vieux âges, par un matin de printemps plus limpide que ceux de nos jours… Les Arabes empruntent partout à la nature ambiante le coloris de leurs costumes. Au désert d’où nous venons, on s’habille en teintes neutres, en grisâtre, en brun cendré de pierre et de sable. Dès l’entrée en Palestine, dès le moment où les fleurs commencent,