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Page:Loti - La Galilée, 1896.djvu/74

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de la terre qui est encore si frais, comme pour protéger tant de myriades de petites corolles légères. Sous l’infinie floraison rousse des graminées, les lointains ont des tons changeants de gorge de tourterelle et la seule chose éclatante dans ce pays aux nuances si uniformément discrètes, c’est là-bas, à d’imprécises distances, la tache blanche des neiges de l’Hermon. Le silence est immense et comme universel, traversé seulement de temps à autre par le bruit de quelque alouette qui s’élève au-dessus des herbes pour chanter sa délirante petite joie éphémère. Et toujours cette mélancolie de délaissement, qui plane sur toute la Terre Sainte, que nepeuvent égayer ni le luxe des fleurs ni la musique des oiseaux — mélancolie séculaire et que d’ailleurs l’on sent définitive à jamais… Ce mont Hattinn, dont le sommet aujourd’hui est là si calme auprès de nous, a cependant vu jadis des choses grandes et terribles, il a été tout vibrant de clameurs de guerre et de massacre — et les Arabes nos guides disent que l’on trouve partout des ossements et des fers d’armures sous son immaculé tapis de fleurs jaunes ou roses. La tradition en fait le lieu où des foules innombrables seraient montées à la suite du Christ, qui multiplia pour elles les cinq