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Page:Loti - La Galilée, 1896.djvu/78

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nous errons aux abords de notre retraite, c’est à peine si nos ombres se dessinent à notre suite sur les herbages. Dans le Sud, d’où nous venons, ces éclairages adoucis ne sont pas connus, et, à la mélancolie du lieu, ils ajoutent pour nous je ne sais quelle impression déjà septentrionale. Le mont Hattinn est resté dans notre voisinage et sa cime, tapissée de lins roses, évoque aussila mémoire des croyants d’autrefois… Fini tout cela, à présent, et comme on en a conscience rien qu’en regardant ces aspects délaissés, cette couche immaculée de fleurs sur la montagne où jadis les multitudes suivirent le Christ !… Où sont-elles aujourd’hui les foules qui se lèveraient encore pour écouter un prophète ?… Où sont-ils les guerriers paladins qui partiraient pour la Croisade ?… La nature verte a bien fait de recouvrir de son suaire le sol qui a vu de telles choses. Et tant mieux qu’il demeure ainsi fermé et mort, ce pays sacré de Gâlil !… Ni ombre ni soleil ; il ne fait pas froid et il fait à peine chaud ; l’air immobile est embaumé de l’odeur des foins. Tous les sommets un peu lointains ont, suivant leurs altitudes, des tons nuancés et comme dégradés par bandes horizontales, sous ces brumes légères qui planent — et qui nous donnent aujourd’hui le sentiment du chemin déjà parcouru vers le