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Page:Loti - La Galilée, 1896.djvu/89

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C’est à l’autre bout de Tibériade qu’ils habitent, dans le petit couvent des moines. Nous avons donc, pour aller chez eux, à retraverser toute la ville en pleine nuit — et cela nous fait voir en passant les veillées de la Pâque dans toutes les maisons juives aux fenêtres ouvertes : les lampes sabbatiques sont allumées dans ces intérieurs peints à la chaux blanche qui éclatent çà et là parmi le noir des ruines ; les familles se tiennent attablées autour du pain pascal, dans leurs habits des grands jours, les femmes un peu barbarement parées avec leurs coiffures de fleurs naturelles et de gaze d’or ; à pleine voix, ils psalmodient tous ensemble, dans la joie de la patrie retrouvée et des vieux hymnes rechantés sur le sol héréditaire, après les exils de plus de mille ans. Et, au milieu de l’obscurité des rues, nous en rencontrons aussi, de ces chanteurs en robe de velours — qui se rangent avec crainte devant notre haut fanal et devant le groupe d’Arabes que nous sommes. C’est étrange, de les voir vivre et se réjouir, ces gens-là, dans cette nécropole sans communication avec le reste du monde ; pour comprendre, il faut savoir qu’ils sont soutenus par ces Israélites d’Europe, leurs frères richissimes, qui mènent aussi à coups de millions beaucoup de nos affaires occidentales. Il