Page:Loti - La Mort de notre chère France en Orient, 1920.djvu/209

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

peuple turc, — en soulevant sur ma route un tollé d’insultes et de menaces, salariées ou simplement imbéciles, — c’est que je sais ce que je dis. J’ai du reste conscience de la responsabilité que j’accepte en ramenant ainsi l’opinion vers les pauvres calomniés de Stamboul, — car l’opinion, il est incontestable, n’est-ce pas, que j’ai contribué pour ma part à l’éclairer, et c’est peut-être le seul acte de ma vie dont je me fais honneur, à la veille du moment où mon petit rôle terrestre va prendre fin. Oui, je sais ce que je dis ; j’ai longtemps vécu en Orient, je m’y suis mêlé à toutes les classes sociales et j’ai acquis la plus intime certitude que les Turcs seuls, dans cet amalgame de races irréconciliables, ont l’honnêteté foncière, la délicatesse, la tolérance, la bravoure avec la douceur, et qu’eux seuls nous aiment, d’une affection héréditaire, restée solide malgré tous nos lâchages, malgré les révoltantes injures de certains d’entre nous.

Avant d’affirmer cela à mes amis avec cette énergie, j’ai tenu à m’interroger profondément : n’étais-je pas leurré par des mirages, par le charme, la couleur, les radieux souvenirs de ma jeunesse ? — Eh ! bien, non, mon attachement et mon estime pour les Turcs tiennent à des causes beaucoup moins personnelles : j’ai la