Page:Loti - La Mort de notre chère France en Orient, 1920.djvu/74

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détroit quelconque, ils avaient fait un décor unique, par tant d’étrange beauté qu’ils avaient su épandre sur ses deux rives : palais, mosquées, minarets, demeures aux aspects de mystère, à demi plongées dans l’eau qui court ; — et par tant de beauté aussi qu’ils avaient semée même sur ses eaux rapides et bruissantes ; costumes éclatants de toute la peuplade des rameurs, élégance exquise des milliers de caïques dorés et des grands voiliers dont les poupes se relevaient comme des châteaux. Tout cela, je le sais, est déjà gravement endommagé par la barbarie de tant d’étrangers ou de Rayas ottomans, grecs, arméniens et juifs, qui sont venus s’y établir et qui, par une stupéfiante inconséquence, ont travaillé chacun pour sa part à détruire peu à peu ce charme, qu’ils avaient pourtant vaguement compris, puisqu’ils s’y étaient laissé prendre. Qu’on ne me dise pas que la séduction infinie de ces centres d’Islam pourra subsister quand les Turcs n’y seront plus ; non, la séduction, ils l’avaient apportée avec eux et elle s’éteindra le jour de leur bannissement cruel ; la paix, le mystère et l’immense rêverie s’évanouiront à leur suite. Ce sera fini de l’adorable sortilège de ce pays quand on ne rencontrera plus, dans le labyrinthe