Page:Loti - La troisième jeunesse de Madame Prune, 1905.djvu/168

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servantes, cassées en deux par des saluts sans fin, étaient venues poser devant nous, sur des trépieds de laque, des bols adorables, légers comme des coquilles d’œuf, et contenant une soupe au lichen et aux algues, la valeur de deux ou trois cuillerées environ. Ce cabinet particulier était, comme dans tous les établissements d’un réel bon ton, une vaste pièce vide et blanche, aux nattes immaculées, aux parois démontables en papier tout uni ; pas un siège, pas un meuble, rien ; seulement, dans une niche de mur, aussi blanche que la salle entière, un bizarre et grêle bouquet, d’un mètre de haut, s’échappant d’un vase précieux en bronze antique, deux ou trois longues branches, pas plus, de je ne sais quelles rares fleurs d’hiver, arrangées avec une adresse et une grâce qui ne se retrouvent qu’au Japon.

On gelait, au début de ce repas ; chacun essayait de s’asseoir sur ses propres bouts de pieds, ou de se les frotter avec les mains, pour éviter l’onglée. Peu à peu cependant, les petits réchauds en bronze, ornés de chimères, que les mousmés nous avaient apportés, remplis de