Page:Loti - La troisième jeunesse de Madame Prune, 1905.djvu/22

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être à présent à mi-chemin de cet immense couloir de montagnes qui conduit à la ville de madame Chrysanthème.

En effet, d’autres feux par myriades commencent à scintiller, de droite et de gauche sur les deux rives, et c’est Nagasaki, étagée là en amphithéâtre, — Nagasaki singulièrement agrandie, à ce qu’il me semble, depuis quinze ans que je n’y étais venu.

Le bruit et la secousse de l’ancre qui tombe au fond, et la fuite de l’énorme chaîne de fer destinée à nous tenir : c’est fini, nous sommes arrivés ; dormons en paix jusqu’au matin.

Demain donc, au réveil, quand le jour sera levé, le Japon, après quinze années, va me réapparaître, là tout autour et tout près de moi. Mais j’ai beau le savoir de la façon la plus positive, je ne parviens pas à me le figurer, sous cette neige, dans ce froid et ces ténèbres de décembre, — mon arrivée de jadis, ici-même, ne m’ayant laissé que des souvenirs de voluptueux été, de chaude langueur : tout le temps des cigales éperdument bruissantes, une