Page:Loti - La troisième jeunesse de Madame Prune, 1905.djvu/342

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imagination trop romanesque, elle ne trouve plus dans son cœur un seul élan vers le mien.

— Eh bien ! non, madame Prune, s’il en est ainsi, je ne m’assoirai point : je croyais vos sentiments placés plus haut. La déception est trop cruelle. Je m’en vais.

La fermeture à secret du portail, que j’ai fait de nouveau jouer pour sortir, rend son bruit familier, son toujours pareil crissement, que j’entends ce soir pour la dernière des dernières fois, Quand je jette ensuite un coup d’œil en arrière, sur cette maisonnette où j’ai passé jadis un été sans souci, au chant des cigales, j’aperçois encore la petite vieille bien grasse, bien repue, bien contente, et tassée maintenant sur elle-même, qui secoue sa pipe contre le rebord de sa boîte (un pan pan pan que je ne réentendrai jamais) et qui me regarde partir, d’un air très détaché. Non, décidément rien ne vibre plus dans cet organisme gracieux, qui fut durant des années la sensibilité même ; l’âge a fait son œuvre !…