Page:Loti - La troisième jeunesse de Madame Prune, 1905.djvu/76

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étranges je songe très mélancoliquement à mon pays, à l’année qui vient de finir, au siècle tombé ce matin dans l’abîme et qui fut celui de ma jeunesse…

Maintenant une cloche sonne, en bas dans une pagode, une cloche formidable et lente, — quelqu’une de ces cloches énormes qui sont couvertes d’inscriptions mystérieuses ou de figures de monstre, et que l’on fait vibrer au choc d’une poutre suspendue ; — elle sonne à intervalles très espacés, comme chez nous pour les agonies. Elle ne trouble rien ; plutôt elle accentue, elle souligne cet exotique silence. En l’entendant, je me sens plus loin encore de la terre natale ; je regarde avec plus de tristesse ce rouge soleil au déclin, qui, à cette heure même, se lève là-bas, pour un matin sans doute glacé, sur ma maison familiale…