Page:Loti - La troisième jeunesse de Madame Prune, 1905.djvu/82

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servent d’archets. Elles chantent, comme de jeunes chats qui miauleraient le soir du haut d’un mur. Et enfin elles dansent, avec des masques divers ; la danse de la goule, celle de la grosse dame joufflue et bête, la danse des roues de fleurs, le pas de la source ; tout ce que mademoiselle Pluie-d’Avril, mon amie, m’a déjà fait connaître dans la « Maison de la Grue », et qui est de tradition infiniment ancienne, m’est réédité ici, dans un cadre plus vaste, plus distingué et plus vide encore,

Ces dames ont des robes adorablement nuancées, qui passent du bleu cendré de la nuit au rose de l’aube, et que traversent de grandes fleurs imaginaires, ou bien des vols de cigognes au plumage d’or. À force de grâce et d’artifices, elles sont presque jolies, et on subirait leur charme apprêté s’il faisait moins froid. Mais on gèle sur ces nattes, dans la salle trop grande où les braises des gentils réchauds nous entêtent sans donner de chaleur. Et la lune de janvier, dont on perçoit, à travers les carreaux de papier de riz, la pâleur spectrale, en concurrence avec la lumière électrique, nous rap-