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Page:Loti - Les Désenchantées, 1908.djvu/196

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parlant la plus inexistante. Une fois pourtant, son bras soulevant le tcharchaf laissa entrevoir une de ses manches de robe, très large, très bouillonnée à la mode de ce printemps-là, et faite en une gaze de soie jaune citron à pâles dessins verts, —deux teintes qui devaient rester dans les yeux d’André comme pièces à conviction pour le lendemain.

Autour d’eux tout était plus triste que la semaine passée, car le froid était revenu en plein mois de mai ; on entendait le vent de la Mer Noire siffler aux portes comme en hiver ; tout Stamboul frissonnait sous un ciel plein de nuages obscurs ; et dans l’humble petit harem grillé, on aurait dit le crépuscule.

Soudain, à la porte extérieure, le frappoir de cuivre, toujours inquiétant, les fit tressaillir.

« C’est elles, dit Mélek, tout de suite penchée pour regarder à travers les grillages de la fenêtre. C’est elles ! Elles ont pu s’échapper, que je suis contente ! »

Elle descendit en courant pour ouvrir, et bientôt remonta précédée de deux autres dominos noirs, à voile impénétrable, qui semblaient, eux aussi, élégants et jeunes.

"Monsieur André Lhéry, présenta Djénane. Deux de mes amies ; leurs noms, ça vous est égal, n’est-ce pas ?

— Deux dames-fantômes, tout simplement", ajoutèrent les arrivantes, appuyant à dessein sur ce mot dont