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Page:Loti - Les Désenchantées, 1908.djvu/231

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XIX DJÉNANE À ANDRÉ

"Bounar-Bachi, près de Salonique, 20 juin 1904 (à la franque).

Votre amie pensait à vous ; mais, pendant des semaines, elle était trop bien gardée pour écrire.

Aujourd’hui, elle voudrait vous conter sa pâle petite histoire, son histoire de mariage ; subissez-la, vous qui avez écouté celles de Zeyneb et de Mélek avec tant de bienveillance, à Stamboul, si vous vous rappelez, dans la maisonnette de ma bonne nourrice.

Moi, l’inconnu que mon père m’avait donné pour mari, André, n’était ni un brutal ni un malade:au contraire, un joli officier blond, aux manières élégantes et douces, que j’aurais pu aimer. Si je l’ai exécré d’abord, en tant que maître imposé par la force, je ne garde plus à présent contre lui aucune haine. Mais je n’ai pas su admettre l’amour comme il l’entendait, lui, un amour qui n’était que du désir et restait si indifférent à la possession de mon cœur.

Chez nous, musulmans, vous savez combien, dans une même maison, hommes et femmes vivent séparés. Cela tend