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Page:Loti - Les Désenchantées, 1908.djvu/256

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grand été, qui semblait s’être rapproché de l’Arabie, tant il y faisait chaud et calme, tant les mosquées étaient blanches sous l’ardent soleil d’août. Comment imaginer aujourd’hui qu’une ville pareille pouvait avoir de si longs hivers et de si persistants linceuls de neige ? Les rues étaient plus désertes, à cause de tout ce monde qui avait émigré vers le Bosphore ou les îles de la Marmara, et les senteurs orientales s’y exagéraient dans l’atmosphère surchauffée.

Pour attendre l’heure, il alla à Sultan-Fatih, s’asseoir à sa place d’autrefois, sous les arbres, à l’ombre, devant la mosquée. Des imams qui étaient là, et ne l’avaient pas vu depuis tant de jours, lui firent grand accueil ; après quoi, ils retombèrent dans leur rêverie. Et le « cafedji », le traitant comme un habitué, lui apporta, avec le narguilé berceur, la petite Tékir, la chatte de la maison, qui avait été souvent sa compagne au printemps et qui s’installa tout de suite près de lui, la tête sur ses genoux pour être caressée. En face, les murs de la mosquée éblouissaient avec leur réverbération blanche. Des enfants puisaient l’eau d’une fontaine et la versaient sur les vieux pavés, autour des fumeurs, mais il faisait quand même si chaud que les pinsons et les merles, dans les cages pendues aux branches, restaient muets et somnolents. Des feuilles jaunes cependant tombaient déjà, annonçant que ce bel été ne tarderait pas à courir vers son déclin.